A l'école, les enfants sauront-ils respecter les gestes barrières

Se laver les mains ou se tenir à distance : les Français commencent à connaître la chanson. Mais les enfants en sont-ils capables ? Le Premier ministre a annoncé mardi 28 avril 2020 la reprise progressive de l'école pour les élèves en classe de maternelle et de primaire, à compter du 11 mai.

« Un véritable casse-tête. » Pour Pauline Galou, professeure des écoles à Colombelles (14), les gestes barrières et les mesures de distanciation physique lui semblent difficiles à mettre en place au cours préparatoire.

Le Premier ministre Edouard Philippe a révélé le plan de déconfinement du gouvernement, ce mardi 28 avril 2020. A la tribune de l’Assemblée nationale, il a annoncé une « réouverture très progressive des maternelles et écoles élémentaires à partir du 11 mai ». Le Premier ministre a précisé : « le retour de nos enfants sur le chemin des écoles est un impératif pédagogique et de justice sociale ».
 

La reprise de l’école aura lieu « sur la base du volontariat » et dans des « conditions sanitaires strictes », a insisté Edouard Philippe. Pas plus de quinze élèves ne seront accueillis par classe. Le port du masque ne sera pas obligatoire pour les enfants en maternelle et en primaire. Les enseignants et encadrants des établissements scolaires devront quant à eux porter des masques lorsque la distanciation ne pourra pas être respectée.
 

 

Gestes barrières : comment faire quand on a entre 3 et 10 ans ?

Ritualiser le lavage des mains en maternelle et en primaire : c’est ce qui attend les enseignants. « Cela va nous demander beaucoup d’attention et de concentration », précise l’institutrice de CP Pauline Galou.

« Les enfants sont en capacité de comprendre mais ils auront du mal à appliquer les gestes barrières », indique la psychologue scolaire Isabelle Kalis. Elle ajoute : « à partir de 6-7 ans, la structuration du cerveau permet d’intérioriser et d’accepter plus aisément les règles ». Ces gestes seront plus difficiles à faire respecter aux plus petits et aux enfants atteints de troubles de l’attention et d’hyper activité. « Ils ont moins la maturité pour se stabiliser », précise-t-elle.

Appliquer les gestes barrières : « cela dépendra de la configuration de chaque établissement », alerte aussi Laurence Guillouard, enseignante en maternelle dans le Calvados et secrétaire départementale du syndicat SNUipp-FSU 14.  Pour elle, « certaines écoles disposent de trop peu de lavabos ou ne permettent pas aux classes de ne pas se croiser ».

Ardoises, feutres, tubes de colle… Au sein de la classe, les élèves partagent le même matériel. Difficile d'être derrière chaque élève pour désinfecter ces outils. A compter du 11 mai, tout devra être « individualisé » pour limiter les risques de contamination, envisage la maîtresse d’école Pauline Galou. Laurence Guillouard enseigne depuis plus de vingt ans. Elle s’interroge : « avec les petits, on multiplie les manipulations. Je vois mal comment on pourra continuer à travailler avec des perles ou de la pâte à modeler », avant d’ajouter fataliste : « il faudra bien s’adapter ».
 

« Il ne faut pas oublier que ce sont des enfants, ils ne vont pas jouer à 1m50 de distance ! », Pauline Galou, institutrice en école élémentaire
 

Jouer… à distance ?

Un enfant isolé par bureau. « On va revenir à la bonne vieille méthode ! », ironise l’institutrice Pauline Galou. En classe de CP, les élèves sont habitués à travailler par binôme sans avoir une place attitrée. Les choses vont devoir changer. Pauline Galou enseigne dans une classe dédoublée, composée de 13 élèves. Espacer les tables pour respecter la distanciation sociale sera facile à mettre en place avec ce petit groupe d’enfants.


« Le contact tactile et sensitif est un moyen de communiquer pour les enfants et il est important pour le développement psychologique et psychomoteur », Isabelle Kalis, psychologue scolaire


Imposer des règles de distanciation en classe c’est une chose, mais dans la cour de récréation, cela relève presque du défi. « Il ne faut pas oublier que ce sont des enfants, ils ne vont pas jouer à 1m50 de distance ! », lance l’institutrice.

Isabelle Kalis, psychologue scolaire près de Lisieux dans le Calvados souligne l’importance du toucher entre les jeunes enfants en maternelle. « Le contact tactile et sensitif est un moyen de communiquer pour les enfants et il est important pour le développement psychologique et psychomoteur », met en évidence le médecin.
 

Apprendre en se protégeant et en s’amusant

Pour retrouver le chemin de l’école dans les meilleures conditions, les instituteurs réfléchissent à des solutions. Afin d'éviter que les parents et les enfants ne se croisent, Pauline Galou imagine un « chassé-croisé ». Une arrivée des parents et des enfants au compte-goutte afin de limiter les interactions et les risques de contamination.

En Chine, des élèves d’une école primaire ont bricolé des chapeaux composés de tiges d’un mètre, pour respecter la distanciation sociale. « Pourquoi ne pas mettre au point des chapeaux dans le style RoboCop avec une vitre, ça amuserait certainement les garçons », suggère Pauline Galou.
 
Même si le port du masque n'est pas imposé en maternelle et en primaire par le gouvernement, certaines mairies en ont décidé autrement. A Ifs près de Caen, la municipalité a mis au point des protections en PVC pour son personnel pédagogique et ses écoliers en vue de la reprise.

Un film rigide transparent maintenu par un élastique permet de couvrir l'ensemble du visage. « C'est plus facile à supporter que les masques chirurgicaux ou en tissu et cela protège davantage », explique le maire de la commune Michel Patard-Legendre. L'équipe municipale attend la validation de l'Education nationale avant de se lancer « d'arrache-pied » dans la fabrication, pour les enfants qui souhaitent s'équiper. A la façon des écoliers chinois, ces protections pourraient être décorées et personnalisées : « les enfants pourront y mettre des gommettes ! », se réjouit l'élu.
 

Reprendre l’école pour retrouver un équilibre mental

Une vie de famille difficile ou un accès limité à l’enseignement. Pendant le confinement, les écoliers ne bénéficient pas tous des mêmes avantages. « La réouverture des écoles est nécessaire pour garantir la réussite éducative des élèves notamment les plus vulnérables d’entre eux », a expliqué le Premier ministre Edouard Philippe, mardi 28 avril 2020.
 

« Certaines situations familiales sont explosives », Pauline Galou institutrice


Si dans la pratique, la « prérentrée » du 11 mai s’annonce compliquée, pour Pauline Galou, maîtresse à Colombelles, la reprise de l’école est « une bonne chose ». L’institutrice en zone d'éducation prioritaire reconnaît : « certaines situations familiales sont explosives ». Bien décidée à retrouver sa salle de classe, elle souhaite « aider les élèves qui ont décroché pendant le confinement, apaiser les enfants et surtout continuer à leur apprendre des choses ». 

La psychologue Isabelle Kalis l'assure : « pour l’équilibre psychique des enfants, il est bénéfique de retourner à l’école. Les rapports sociaux sont primordiaux ».

 
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